MUSIQUE INDIENNE ET PIANO - LE MARIAGE IMPOSSIBLE !
La musique classique indienne est un trésor immense.
Bien peu de gens - en occident comme en Inde - sont conscients que cette musique est en fait une technologie extrêmement subtile efficace pour créer l’harmonie en nous-même et dans notre environnent.
Nous devons à Maharishi Mahesh Yogi, l’un des plus grands sages indiens et certainement le plus grand scientifique de la conscience, d’avoir redonné à la musique classique indienne son nom originel “Gandharva Veda” et d’avoir rappelé sa grande valeur pratique.
"Gandharva Veda" signifie la science complète (Veda) de la musique. Son but est de restaurer, renforcer, et maintenir l'équilibre et l'harmonie dans la nature en faisant résonner les harmoniques subtiles qui participent au fonctionnement de la nature aux différents moments du jour et de la nuit.
Il est maintenant notre devoir d’être vigilants pour ne pas perdre ce précieux trésor et pour maintenir sa pureté.
Le but principal de cet article est de montrer que certains instruments ne sont pas appropriés pour produire les notes basées sur de subtiles harmoniques naturelles qui caractérisent le Gandharva Veda, et par conséquent ne doivent pas être utilisés pour cette musique.
Pourquoi le Gandharva Veda ne peut pas être joué au piano ou sur tout instrument à notes fixes, surtout à notes fixées sur la gamme tempérée ?
Les différences subtiles de sons sont difficiles à percevoir pour une oreille non entraînée.
Le tableau ci-dessous vous permet de VOIR les différences entre les notes de la gamme tempérée (piano...) et les notes des Ragas.
1. La gamme tempérée - Les notes de la musique classique occidentale ont été standardisées il y a environ 150 ans en une "gamme tempérée" qui positionne les notes de la gamme à des intervalles égaux.
– Le fines lignes blanches verticales à égale distance indiquent les 12 demi-tons de la gamme tempérée - Do Do# Re Re# ...
Dans la musique indienne, le nom des notes fait référence non pas à une position ou hauteur précise mais à une plage de hauteur.
– Voir en bas du tableau, les plages colorées des notes SA RE GA MA PA DHA NI.
2. Les Ragas sont des gammes spécifiques - Pour chaque Raga la position ou hauteur de chacune des notes est différente et spécifiquement définie.
– Voyez à quel point la position des notes des Ragas (lignes verticales colorées) varie et s'écarte de la gamme tempérée (lignes blanches).
– A noter : les Ragas Megh et Madhyamad-Sarang ont la même gamme (mêmes noms des notes), mais la hauteur des notes est très différente. Un piano jouera exactement les mêmes notes pour ces deux Ragas ! Et c'est le cas pour tous les Ragas utilisant une même gamme. Pour différencier deux Ragas construits sur la même gamme, les musiciens indiens qui utilisent l'harmonium ont été contraints à fixer des phrases types pour chaque Raga. En plus de jouer les Ragas faux, les phrases types appauvrissent grandement les Ragas et l'improvisation des musiciens.
3. Deux types de notes dans la musique indienne : Swaras (notes fixes) et Shrutis (notes qui bougent).
Les Shrutis ne peuvent pas être reproduits au piano ou autre instrument à notes fixes.
– Sur le tableau, une bande colorée large montre l'oscillation des Shrutis. Par exemple les Ragas Bhairav, Malkauns, Darbari Kanhara et Madhyamad Sarang ont des Shrutis.
Voyez et écoutez une simulation sur synthétiseur de la gamme du Raga Malkauns. Les Shrutis de ga et dha sont une oscillation entre une note haute et une note plus basse.
Regardez et écoutez une simulation au synthétiseur de la gamme du Raga Malkauns. Les Shrutis ga et dha sont une oscillation entre une note aiguë et une note plus grave.
Ecoutez Shivala chanter la gamme du Raga Malkauns
4. Le glissando (glissement continu d'une note à une autre) n'est pas réalisable sur les instruments à clavier. Les glissandos sont très utilisés dans les ragas. Ils ouvrent une porte sur l'immensité et la richesse de l'espace sonore.
Maharishi
La musique du Gandharva est la mélodie éternelle de la Nature, chantée spontanément à tous les niveaux de la création, du plus minuscule à l’immense, énorme univers en perpétuelle expansion."
~ Maharishi Mahesh Yogi
5. Et le plus important - Dans la gamme tempérée, la position des notes est définie par la division de l'octave en 12 intervalles égaux. Résultat : à cause de cette position conventionnelle et non naturelle des notes, aucune note n'a de relation harmonique avec aucune autre note de la gamme.
Par contre, dans les Ragas, la position de chaque note est définie par une fraction, qui indique un rapport harmonique avec la note de référence ou tonique – SA.
Parmi les fractions qui définissent les notes d'un Raga, certaines sont proches et font référence à des harmoniques audibles, comme 3/24/35/45/3 et d'autres sont lointaines et font référence à des harmoniques habituellement inaudibles, comme par exemple 35/2245/3263/40235/176 et bien d'autres.
La particularité extraordinaire d'un Raga est que, parmi les milliers d'harmoniques et les millions de combinaisons d'harmoniques possibles, 5, 6 ou 7 harmoniques s'assemblent pour former une gamme parfaitement cohérente et harmonieuse.
Cette combinaison harmonieuse unique est le secret du pouvoir harmonisant des Ragas.
Chaque Raga est une architecture musicale très subtile et complexe, une expression sonore d'une loi de la nature ou Devata.
Par ce jeu d'une combinaison parfaite de certaines harmoniques évidentes et d'autres subtiles, les Ragas renforcent, par résonance, les mêmes harmoniques aux différents niveaux superficiels et subtiles de la nature.
Cette science précise des harmoniques fait du Gandharva Veda une puissante technologie pour renforcer l'harmonie dans la nature.
Comment jouer les Ragas avec une gamme tempérée dans laquelle aucune note n'est en harmonie avec aucune autre pourrait générer de l'harmonie dans la nature ?
Cette gamme tempérée est une aberration et constitue une menace grave sur la pureté de la musique et sa capacité à générer l'harmonie.
C'est cette même menace de la gamme tempérée qui a motivé :
Maharishi Mahesh Yogi, initiateur du Gandharva Veda, à demander que l'harmonium soit emporté hors des salles de concert.
Rabindranath Tagore, célèbre poète et musicien indien, à demander que l'harmonium soit interdit sur "All India Radio". Grâce à lui l'harmonium fût interdit de 1940 à 1974.
Mozart à dire en entendant cette gamme tempérée : "Je tuerai quiconque joue ma musique avec ça !"
Note : La raison qui motivait Maharishi Mahesh Yogi à demander non seulement qu'on n'utilise pas l'harmonium en concert mais que l'instrument soit emporté hors de la salle est purement physique : La gamme tempérée étant fausse et désaccordée, par résonance, la seule présence de l'instrument dans la salle a tendance à désaccorder les musiciens et chanteurs.
Henry Ward Poole, inventeur d'un système d'accordage pour l'orgue, nous explique pourquoi cette gamme fausse (désaccordée) peut ne pas choquer l'oreille.
En 1850, dans “An Essay on Perfect Musical Intonation in the Organ”, il reconnaît le grand avantage du tempérament égal de pouvoir utiliser ses douze clés puisque toutes sont également tempérées. Dans la même phrase, il nous dit ironiquement : "L'oreille, elle aussi, est plus satisfaite lorsque tous les accords sont uniformément désaccordés." [souligné dans le texte original]
En d'autres mots : "c'est faux, mais quand tout est faux, ça sonne mieux !"
Harmonium
Conseils pour jouer un Raga juste
1. Toujours s'accompagner d'un Tanpura. Cet instrument traditionnel de la musique indienne a pour but principal de générer des harmoniques qui aident le chanteur ou le musicien à entendre la note juste du Raga en amplifiant les harmoniques subtiles qui le composent.
Le tanpura est le premier professeur de musique indienne !
2. Apprendre la justesse des Ragas d'un professeur issu d'une tradition de musique indienne bien établie.
Relation entre Gandharva Veda et Dhrupad
Le Dhrupad est la forme de musique indienne la plus proche du Gandharva Veda originel. Le Dhrupad s'est attaché, entre autre, à garder la connaissance précise de la position juste des notes de chaque Raga.
Si le Gandharva Veda Maharishi à ses débuts était une référence des Ragas justes c'est parce que tous les musiciens sélectionnés par Maharishi avaient soit eux-mêmes étudié le Dhrupad, soit leurs professeurs avaient étudié le Dhrupad.
De l'avis d'Hariprasad Chaurasia, un des plus célèbres musiciens indiens, tous les musiciens devraient apprendre le Dhrupad.
Le Dhrupad était d'ailleurs la forme de Gandharva Veda préférée de Maharishi.
Dans les formes modernes de musique indienne, comme le Khyal, de nombreux musiciens n’ont pas eu la chance d’apprendre le Dhrupad. Ils placent leurs notes “au feeling”. Parfois ils tombent juste, souvent non ! C’est en quelque sorte “au petit bonheur la chance". Peu d’entre eux savent que la position des notes de chaque raga est une science très précise qui s’acquière en étudiant avec un maître.
Tanpura
Questions / Réponses
Comme beaucoup de gens, j'aime la musique classique au piano et la musique indienne à l'harmonium. Pourquoi, si ces musiques sont fausses ?
A chaque musique sa beauté
Dans la musique classique occidentale, la mélodie est au centre. La mélodie témoigne le génie du compositeur, qui a su capter un moment musical, et le polir pour en faire une œuvre.
Le musicien est l'interprète de cette œuvre. Sa virtuosité, fruit de nombreuses répétitions alliées à sa sensibilité personnelle, lui permet d'aller au-delà de la technique et d'exprimer les subtilités de l'œuvre aussi bien, voir mieux, que l'aurait fait le compositeur.
Génie du compositeur et de l'œuvre, et virtuosité de l'interprète font de la musique classique occidentale une musique d'élite. C'est en cela qu'elle est belle et reste belle malgré le manque de raffinement de la gamme tempérée.
La musique indienne, bien qu'elle devienne parfois aussi "musique d'élite" est dans son essence l'expression de la beauté des notes, du Raga. Par leur beauté, les notes sont presque autosuffisantes. Une note toute seule est parfois maintenue très longtemps. Loin de lasser le musicien ou l'audience, sa beauté, sa présence, nous enchante.
La mélodie vient d'elle-même, naturellement, inspirée par la beauté des notes.
Le talent du musicien vient avant tout de sa simplicité, de son innocence, de sa sensibilité, de ses qualités humaines, de son humilité, de sa "grandeur d'âme" pourrait-on dire, qui lui permettent d'être au service du Raga et de se laisser "habiter" par le Raga.
L'improvisation, omniprésente dans la musique indienne, exprime le jeu, l'union, la complicité entre le musicien et le Raga. Le musicien est en permanence co-créateur.
C'est la subtilité des harmoniques du Raga qui amène le musicien dans un état profond de silence et d'harmonie, une expansion de conscience, d'où émerge naturellement l'improvisation qu'il manifeste.
La composition, qui vient en fin de concert est un bouquet final où le musicien improvise avec la percussion.
Le véritable musicien de Gandharva Veda ne joue pas pour un public, il joue pour les notes elles-mêmes. Il joue le Raga pour le Raga. Sa musique est une offrande au Raga. Il joue avant tout par amour des notes.
La pureté et la beauté des notes est due aux harmoniques subtiles qui les relient toutes et les unissent. Ainsi chaque note met naturellement en valeur et rehausse la beauté de toutes les autres notes de la gamme. Un Raga (gamme harmonique du Gandharva Veda) est comme un bouquet de fleur ou un champ fleuri où la beauté de chaque fleur rehausse la beauté des autres.
Parce que les notes de la gamme tempérée sont disposées uniformément et ne sont reliées à aucunes harmoniques, elles sont en elles-mêmes complètement "insipides", dépourvues de finesse, de vie, et inintéressantes. Pour cette raison, la beauté de la musique en gamme tempérée est complètement dépendante de la mélodie et de la virtuosité du musicien.
Souvent, après un concert de Dhrupad, les auditeurs sont tellement profondément immergés dans le silence qu'ils restent immobiles, savourant le bien-être, incapables même d'applaudir…
La pureté des notes du Raga charme notre cœur, nous équilibre, nous ramène à notre bonheur intérieur.
La musique exprime la beauté de la nature, de la vie.
Différence principale entre Gandharva Veda et musique occidentale (plus spécifiquement en gamme tempérée)
La beauté de la vie a deux aspects :
Silence, unité, harmonie, intégration, d'une part
Dynamisme, diversité, expansion, d'autre part.
Le Gandharva Veda exprime et promeut les deux aspects de la beauté de la vie. Ainsi, il participe au développement intégré de toutes les valeurs de la vie et conduit naturellement à l'épanouissent total de la vie.
La musique occidentale, parce qu'elle n'exprime pas pleinement les valeurs de silence et d'intégration, n'est pas comme le Gandharva Veda une forme de Yoga, de développement unifié de toutes les valeurs de la vie. Elle promeut d'avantage la diversité. Sa qualité caractéristique est par conséquent le divertissement.
Origine de la gamme tempérée
"Le tempérament égal - l'espacement insipide et égal des 12 notes de l'octave - est un phénomène qui date pour ainsi dire du 20e siècle. Il était connu en Europe dès le début du 17e siècle, et en Chine bien avant. Mais il n'était pas utilisé, car on s'accordait à dire qu'il sonnait horriblement mal : désaccordé et sans caractère. Au cours du XIXe siècle (pour des raisons que nous aborderons plus tard), l'accordage du clavier s'est rapproché de plus en plus du tempérament égal, malgré les protestations des nombreux musiciens les plus sensibles. Ce n'est qu'en 1917 qu'une méthode a été mise au point pour accorder le tempérament égal avec précision.
~ Ross W. Duffin – How Equal Temperament Ruined Harmony (and Why You Should Care)
Peut-on jouer un Raga au piano en l'accordant différemment ?
On peut jouer les notes d'un Raga, si celui-ci ne comporte pas des Shrutis (notes qui bougent). Mais on ne peut pas jouer le Raga parce que le piano ne permet pas les glissandos.
Si on veut jouer les Ragas avec un instrument occidental, il vaut mieux choisir un instrument sans notes fixes comme le violon.
Un musicien habile peut également réaliser les Shrutis sur des instruments à vent, comme la flûte, par des mouvements de sa bouche.
Shivala
En 1987 Maharishi a encouragé Shivala à reprendre ses études de musique en lui disant :
"C'est pour amener la béatitude partout".
Après 15 ans d'études au conservatoire, Shivala a joué 3 ans comme contrebassiste dans un orchestre d'instruments à corde sans frettes. Leur chef d'orchestre ne leur a jamais imposé la gamme tempérée, et les laissait jouer naturellement juste.
Mais, un jour, l'orchestre a dû accompagner un piano en concert. Le chef d'orchestre leur a donné le double de répétitions en leur disant : "Il va vous falloir apprendre à jouer faux !"
Shivala découvre avec stupeur, que la gamme tempérée est fausse. Une réalité cachée dans les conservatoires et écoles de musique.
Toujours en recherche de la pureté de la musique, elle arrête la musique classique et va étudier le Gandharva Veda Maharishi à MIU (Maharishi International University) aux USA pendant 3 ans.
Ces études, bien qu'intéressantes la laissent cependant insatisfaite. "Je trouvais cette musique ennuyeuse" nous dit-elle. En effet, à cette époque le Gandharva Veda Maharishi était enseigné à l'harmonium !
C'est alors qu'un spécialiste des gammes, venu visiter l'université lui dit "Si tu veux apprendre la vraie musique indienne, tu dois aller en Inde et trouver un professeur de Dhrupad."
Aussitôt, Shivala part pour l'Inde, où elle rencontre les frères Gundecha, réputés parmi les plus grands chanteurs de Dhrupad avec qui elle étudiera pendant 19 ans.
En voyant les dégâts de la gamme tempérée sur la musique indienne et occidentale (qui n'était autrefois pas jouée en gamme tempérée) Shivala, avec son professeur de Dhrupad Ramakant Gundecha, a entrepris de sauvegarder le plus grand nombre possible de ces précieuses gammes du Dhrupad.
11 années de recherche et de travail assidu
Shivala, grâce au dévouement et au talent du programmeur norvégien Ketil Helmersberg qui a conçu un logiciel pour trouver les fractions correspondant aux notes des différents Ragas, a réussi avec son professeur de Dhrupad Ramakant Gundecha, a numériser plus de 40 Ragas.
Un deuxième logiciel pour jouer les gammes pures du Dhrupad sera bientôt disponible – en attente de sponsors...
Ce logiciel tant attendu permettra à tous les musiciens du monde de jouer et chanter les Ragas dans leur pureté et leur efficacité originelle.
Bertrand Canac
Professeur de Méditation Transcendantale et élève de Shivala
mt-alpes.fr
Shivala
"Quand la musique est juste, elle nous accorde avec les lois de la nature. Depuis plus de 150 ans, nous sommes pollués par une gamme en désaccord total avec les lois de la nature.
Le pouvoir de la musique va dans les deux sens. Elle peut nous amener vers l'illumination ou vers la perte de notre connexion avec la totalité."